Le domaine de l’immobilier est régi par des mécanismes juridiques complexes, parmi lesquels la prescription acquisitive se distingue comme l’un des plus fascinants. Bien que ce dernier soit grandement méconnu du public, il joue un rôle essentiel dans la gestion des droits de propriété.
Dans cet article, nous aborderons les principes fondamentaux de la prescription acquisitive, son fonctionnement, ainsi que son application dans le secteur immobilier. Commençons sans tarder.
Définition : qu’est-ce que la prescription acquisitive ?
La prescription acquisitive est un mécanisme juridique permettant à une personne d’acquérir une propriété par l’écoulement du temps.
En d’autres termes, si une personne détient un bien de manière prolongée, même sans en être le propriétaire légal, elle peut en revendiquer la propriété, à condition de remplir des critères précis. Le processus de la prescription acquisitive permet donc de transformer une situation de simple possession en un droit de propriété reconnu légalement.
Quelles sont les conditions ?
Pour qu’une personne puisse acquérir la propriété d’une bien par prescription acquisitive, il est nécessaire que plusieurs conditions soient remplies. Celles-ci garantissent que la possession du bien est légale et conforme aux exigences prévues par la loi.
- Possession paisible : la possession doit se faire sans contestation ni perturbation du droit de possession. Cela signifie qu’il ne doit pas y avoir de conflits ou de litiges avec le propriétaire légitime ou tout autre détenteur de droits sur le bien.
- Possession continue : la personne qui revendique la propriété par prescription doit maintenir la possession du bien de manière ininterrompue pendant toute la durée prescrite par la loi. Une interruption de la possession, même temporaire, peut compromettre l’acquisition du bien.
- Possession publique : la possession doit être apparente et visible aux yeux de tous. Autrement dit, elle doit être réalisée de manière à ce que la communauté ou les voisins puissent la constater. Cela implique que le possesseur utilise, entretienne ou exploite le bien de manière visible, publique et non dissimulée.
- Possession non équivoque : le possesseur doit agir comme un propriétaire. Cela signifie qu’il doit prendre des mesures claires qui montrent qu’il considère le bien comme le sien. Cela peut se traduire par des actions telles que le paiement des taxes foncières, l’entretien ou l’amélioration du bien, ou encore la réalisation de travaux.
Quel est le délai de prescription acquisitive au Québec ?
Selon le Code civil du Québec, le délai de prescription acquisitive varie selon le type de bien concerné :
- 10 ans pour un bien immobilier : pour revendiquer la propriété d’un bien immobilier tels un immeuble ou un terrain, une personne doit en avoir la possession continue et non contestée pendant 10 ans.
- 3 ans pour un bien meuble : pour les biens meubles comme des objets personnels, des meubles ou tout autre bien mobilier, le délai de prescription est de 3 ans.
Cependant, trois facteurs peuvent venir influencer le délai de prescription :
La renonciation : un possesseur peut renoncer à son droit de revendiquer la propriété par prescription, par exemple en quittant volontairement les lieux ou en abandonnant la possession. Une fois la renonciation effectuée, le droit à la prescription acquisitive est perdu, même si la personne avait atteint la durée légale de possession.
L’interruption : l’interruption du délai de prescription fait que le temps de possession déjà écoulé est annulé et recommence à zéro. Cela peut se produire si le propriétaire intente une action en justice pour récupérer le bien ou s’il y a un autre événement majeur qui perturbe la possession.
La suspension : contrairement à l’interruption, la suspension ne fait pas repartir le délai de possession à zéro. Si la possession est suspendue, par exemple en raison d’une incapacité légale ou d’un événement de force majeure, le temps pendant lequel la possession était suspendue ne compte pas. Dès que la possession reprend, le délai continue là où il s’était arrêté.
Quelques exemples d’acquisition par prescription
Exemple d’un terrain vacant
Jean empiète sur un terrain vacant voisin pour y garer ses véhicules et y entretenir un petit jardin depuis 12 ans. Le propriétaire du terrain n’a jamais réagi et personne n’a contesté sa présence. Après 10 ans de possession continue et sans opposition, Jean peut revendiquer son droit de propriété par prescription acquisitive.
Exemple d’une maison abandonnée
Claire vit dans un immeuble abandonné depuis de nombreuses années. Elle y fait des rénovations, paie les taxes foncières et y habite depuis maintenant 15 ans. Personne n’a jamais revendiqué la maison et aucune action en justice n’a été entreprise contre elle. Après 10 ans de possession paisible, Claire peut revendiquer la propriété de la maison.
Exemple d’une parcelle agricole
Marc exploite une parcelle agricole voisine à son terrain depuis plusieurs années. Il cultive la terre, entretient les clôtures et travail régulièrement sur le terrain sans que personne ne le conteste. Après 10 ans de possession sans opposition, Marc peut utiliser la prescription acquisitive pour revendiquer son droit à l’égard du bien.
Quelles sont les limites de la prescription acquisitive ?
La prescription acquisitive présente certaines limites qui doivent être prises en compte. Voici les principales :
Biens publics ou appartenant à des organismes gouvernementaux
La prescription acquisitive ne s’applique pas aux biens publics ou à ceux appartenant à des organismes gouvernementaux ou des collectivités locales. Cela inclut les biens comme les terrains publics, les parcs naturels, les routes ou tout autre bien destiné à un usage collectif.
Par exemple, une personne ne peut pas revendiquer la propriété d’un terrain appartenant à une municipalité, même si elle l’a occupé pendant plusieurs années. Dans cette situation particulière, la loi protège le bien de la saisie par prescription puisque sa privatisation serait contraire à l’intérêt général.
Mauvaise foi du possesseur
En principe, une personne peut acquérir le droit de propriété d’un bien par prescription même si elle sait que ce bien ne lui appartient pas, à condition de respecter les conditions de la possession. Toutefois, la mauvaise foi peut compliquer l’application de la prescription, surtout dans les cas où le possesseur agit de manière frauduleuse.
Par exemple, un individu qui occupe un terrain ou un immeuble en sachant qu’il appartient à quelqu’un d’autre et qui prend des mesures pour cacher son occupation (comme falsifier des documents ou éviter tout contact avec le véritable propriétaire) peut être considéré de mauvaise fois. Dans ce cas, la prescription acquisitive ne pourra pas être invoquée puisqu’il s’agit plutôt d’une tentative de fraude, ce qui va à l’encontre des principes d’une possession légitime.
Procédure : comment faire pour revendiquer le droit de propriété par prescription ?
Il est important de souligner que la procédure de prescription diffère selon qu’il s’agit d’un bien meuble ou d’un bien immobilier. Pour un bien meuble, l’intervention judiciaire n’est généralement pas requise. En revanche, pour un bien immobilier, il est nécessaire de faire une demande en justice et d’obtenir un jugement. Explorons donc la procédure applicable dans ce dernier cas.
1. Valider les conditions légales du Code civil du Québec
Comme mentionné, la prescription acquisitive ne peut être invoquée que si certaines conditions légales sont remplies. Ces conditions sont essentielles pour que la possession du bien soit valide au regard de la loi. La possession doit être : paisible, continue, publique et non équivoque.
2. Vérifier la durée de possession du bien immobilier
La durée de possession est un critère essentiel pour faire valoir la prescription acquisitive d’un bien. Cette durée varie selon qu’il s’agit d’un bien immobilier (10 ans) ou d’un bien meuble (3 ans) et il est nécessaire d’être en mesure de prouver que le bien a été possédé pendant la période légale, sans interruption ni contestation.
3. Rassembler des preuves d'occupation
Dans tous les cas, il est essentiel de pouvoir justifier la possession du bien pendant toute la période requise. Pour ce faire, il est peut-être nécessaire de rassembler des preuves telles que :
- Témoignages de voisins ou de personnes connaissant la situation : ils peuvent attester que vous avez occupé le bien pendant toute la période de la possession.
- Documents écrits : cela peut inclure un contrat de location, des factures, des déclarations fiscales ou toute autre preuve administrative qui montre l’occupation et l’entretien du bien.
- Photographies et autres éléments matériels : cela peut inclure des photos montrant votre présence dans le bien pendant la période concernée ou des preuves de travaux réalisés sur la propriété.
4. Effectuer une requête en justice
Ensuite, vous devez faire une demande en justice afin de faire reconnaître votre droit devant le tribunal. Vous devez fournir toutes les preuves que vous avez rassemblées pour démontrer que vous avez occupé le bien de manière paisible, publique et continue pendant la période requise. C’est donc le tribunal qui devra de juger de la validité de votre demande.
5. Obtenir le jugement du tribunal
Si le tribunal estime que la prescription est acquise, il rendra un jugement validant la prescription acquisitive. Ce jugement confirmera votre droit de propriété sur le bien et sera inscrit dans le registre foncier afin que le changement de propriétaire soit officiellement reconnu.
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