L'empiétement est une source de litige commune, qui touche de nombreux propriétaires immobiliers. Alors que certaines situations sont le fruit d'un simple malentendu et peuvent rapidement être corrigées, d'autres nécessitent d'entamer des recours légaux contre l'individu en faute.
Que faire en cas d'empiétement sur votre terrain? On vous dévoile les notions importantes à connaitre pour reprendre le contrôle de la situation.
C'est quoi, l'empiétement?
L'empiétement est une atteinte au droit de propriété qui se produit lorsqu'une construction appartement à un voisin (un cabanon ou une clôture, par exemple) déborde sur le terrain dont vous êtes propriétaire. Les limites de propriété ne sont alors pas respectées et le propriétaire qui empiète sur le terrain de l'autre nuit à son droit de jouissance exclusif.
Outre une construction, un empiétement peut aussi se produire lorsqu'une plantation (ex. : un arbre) dépasse la limite séparatrice entre les deux terrains.
Les caractéristiques de l'empiétement
Au moment d'évaluer la gravité de l'empiétement et les recours qui peuvent être entamés contre le propriétaire fautif, trois facteurs doivent préalablement être déterminés. Il faut établir si l'empiétement :
- A été fait de bonne ou de mauvaise foi ;
- Cause un préjudice sérieux ;
- Est considérable.
1. De bonne foi
En droit québécois, la bonne foi est toujours présumée. S'il n'y a pas de motifs valables de croire que votre voisin était au courant du dépassement des limites de propriété, l'empiétement sera considéré comme ayant été effectué de bonne foi.
D'ailleurs, un propriétaire qui empiète sur votre terrain mais qui ne serait pas à l’origine de la construction causant l’empiétement ne pourrait pas être visé par la notion de mauvaise foi. Cela pourrait être le cas d'un nouvel arrivant qui vient d'acheter la maison d'un précédent propriétaire.
Dans un cas comme celui-là, c'est la bonne ou mauvaise foi du constructeur initial qui a effectué les travaux à l’origine de l’empiétement qui pourrait être mise en cause.
2. De mauvaise foi
Contrairement à la bonne foi, la mauvaise foi doit être prouvée. Elle relève d'une analyse particulière des faits de chaque situation. Certains éléments peuvent tout de même être des signes potentiels de mauvaise foi :
- Absence de vérification du certificat de localisation ;
- Aucune vérification des titres de propriété ;
- Ne pas requérir les services d’un professionnel, tel qu'un arpenteur-géomètre ;
- Ne pas avertir le voisin ;
- Etc.
3. Empiétement considérable ou majeur
La jurisprudence considère généralement qu'un empiétement est mineur lorsqu'il représente moins de 10 % de la superficie totale. Mais cette proportion n'est pas automatiquement appliquée : d'autres facteurs, propres à la situation de l'immeuble, doivent être pris en compte pour déterminer si l'empiétement est majeur.
4. Empiétement causant un préjudice sérieux
Pour déterminer si le dépassement des limites de propriété cause ou non un préjudice sérieux au propriétaire le subissant, le tribunal doit examiner chaque situation individuellement. Il devra analyser les conséquences réelles de l'empiétement.
Ainsi, il pourrait être considéré comme causant un préjudice sérieux s'il occasionne, par exemple :
- Une importante restriction d'usage du terrain ;
- Un non-respect de la réglementation en matière de zonage ;
- Un problème d'écoulement des eaux ;
- Etc.
Comment faire cesser un empiétement? Les recours selon le Code civil du Québec
La loi prévoit les recours possibles d'un propriétaire en cas d'empiétement sur son terrain. L'articles 953 du Code civil du Québec aborde plus précisément cet aspect.
Article 953 : Le propriétaire d’un bien a le droit de le revendiquer contre le possesseur ou celui qui le détient sans droit; il peut s’opposer à tout empiétement ou à tout usage que la loi ou lui-même n’a pas autorisé.
L'article 992 mentionne également les procédures qui peuvent être entreprises.
Article 992 : Le propriétaire de bonne foi qui a bâti au-delà des limites de son fonds sur une parcelle de terrain qui appartient à autrui doit, au choix du propriétaire du fonds sur lequel il a empiété, soit acquérir cette parcelle en lui en payant la valeur, soit lui verser une indemnité pour la perte temporaire de l’usage de cette parcelle.
Ce même article ajoute que si l'empiétement est considérable, est fait de mauvaise foi ou cause un préjudice sérieux, le propriétaire subissant le trouble peut contraindre l'individu à :
- Acquérir son immeuble et à lui en payer la valeur ;
- Enlever la construction problématique ;
- Remettre les lieux en état.
Pour un empiétement mineur et de bonne foi
Votre voisin a érigé de bonne foi une construction sur une parcelle de votre terrain et l'empiétement est mineur? Vous pouvez alors :
- Demander à votre voisin d'acquérir, à sa juste valeur, la portion de votre terrain sur laquelle il empiète. Il en deviendra alors propriétaire, mettant un terme à l'empiétement.
- Exiger que votre voisin vous verse une indemnité pour la perte temporaire de l'usage de la parcelle pour la période pendant laquelle la construction demeure érigée.
Pour un empiétement majeur, de mauvaise foi ou causant un préjudice sérieux
Les démarches diffèrent si l'empiétement sur votre terrain est majeur, vous cause un préjudice sérieux ou a été fait de mauvaise foi. Vous pourrez alors vous adresser aux tribunaux pour contraindre votre voisin à :
- Racheter le terrain et à vous le payer à sa juste valeur. Dans ce cas, c'est le terrain en entier qui devra être acquis, et non uniquement la portion utilisée.
- Enlever la construction problématique et remettre les lieux dans leur état initial.
Comment prouver qu'un voisin empiète sur mon terrain?
Plusieurs démarches peuvent être entreprises pour démontrer que votre voisin empiète bel et bien sur votre terrain. Voici quelques façons d'obtenir des preuves claires et incontestables.
1. Documentez l'empiétement exercé
D'abord, prenez des photos et des notes détaillées pour illustrer la nature et l’étendue de l’empiétement, qu'il s'agisse d'une clôture mal positionnée, d'un arbre qui s'étend sur votre propriété ou d'un cabanon construit sur une partie de votre terrain. Cela vous permettra d'avoir des traces de la situation, que vous pourrez présenter devant le tribunal.
2. Vérifiez votre certificat de localisation
Le certificat de localisation est un document officiel qui présente l’emplacement des constructions sur votre terrain et atteste des limites exactes de votre propriété.
Assurez-vous que ce certificat est à jour, car un document ancien pourrait ne pas refléter les changements survenus depuis sa dernière conception.
3. Comparer les titres de propriété
En plus de vérifier vos titres de propriété, il peut aussi être utile de les comparer à ceux de votre voisin, s'il accepte. Cela peut aider à identifier si les documents incluent des erreurs ou des zones d’ambiguïté quant aux limites entre les deux terrains.
4. Faites appel à un arpenteur-géomètre
Ultimement, l'expertise d'un arpenteur-géomètre sera indispensable pour confirmer les limites de votre propriété et établir l'existence d'un empiétement. Si votre certificat de localisation n'est pas à jour, ce professionnel en produira un nouveau pour présenter la situation actuelle de votre propriété.
5. Obtenez l'aide d'un notaire ou d'un avocat
Au besoin, consulter un notaire peut être utile pour clarifier les informations présentes sur les titres de propriété et confirmer leur validité.
Si vous devez présenter votre cause devant les tribunaux, un avocat spécialisé en la matière sera un allié essentiel.
Tolérer un empiétement : attention aux conséquences!
Vous savez que votre voisin empiète sur votre terrain, mais ne prévoyez pas d'entamer des recours pour régler la situation? Sachez que si vous tolérez le dépassement ou que si vous y consentez, même de façon tacite, vous ne pourrez vous prévaloir des recours prévus par la loi.
Vous pourriez également créer un droit de propriété superficiaire en faveur de votre voisin.
La prescription acquisitive : acquérir ou perdre la propriété d'un bien
Vous vous rendez compte que l'empiétement de votre voisin dure depuis longtemps? Celui-ci pourrait invoquer la prescription acquisitive.
La prescription acquisitive est un mécanisme juridique qui stipule qu'on peut acquérir ou perdre un droit par écoulement du temps. Un individu qui possède un bien pendant une certaine période peut légalement, à l'échéance de cette période, devenir officiellement le propriétaire de ce bien même s'il ne l'était pas au départ.
En immobilier, le délai de prescription est de 10 ans, qu'il soit question d'un terrain, d'un immeuble ou de tout autre ouvrage.
Un voisin qui aurait empiété sur votre terrain, de bonne foi, pendant plus d'une dizaine d'années, pourrait donc se prévaloir de la prescription acquisitive pour obtenir les droits de la parcelle sur laquelle il est construit. Il devra alors démontrer qu'il a été en possession du terrain et qu'il s'est comporté comme le véritable propriétaire pendant toute la période de prescription.
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