Au Québec, devenir propriétaire a longtemps été perçu comme une étape presque incontournable du parcours résidentiel. Mais une étude récemment publiée par l’Association professionnelle des courtiers immobiliers du Québec (APCIQ) met en évidence un tournant majeur : l’accès à la propriété ne va plus de soi. Il est désormais freiné par un déséquilibre croissant entre les revenus des ménages, la valeur des propriétés et les conditions d’emprunt.
Dans les lignes qui suivent, nous décortiquerons les constats les plus marquants de cette étude afin de mieux comprendre l’évolution concrète du pouvoir d’achat au Québec, ce que cela signifie pour les acheteurs d’aujourd’hui et les défis structurels que cela pose à l’échelle du marché résidentiel.
L’étude de l’APCIQ : un portrait révélateur de l’accessibilité résidentielle au Québec
Publiée à l’automne 2025, l’étude de l’Association professionnelle des courtiers immobiliers du Québec (APCIQ) dresse un portrait précis de l’évolution du marché résidentiel au cours des dix dernières années.
Pour mieux cerner les tendances dominantes, l’étude s’est concentrée sur les maisons unifamiliales, l’un des types de propriétés les plus prisés par les ménages au Québec. Elle couvre la période de 2015 à 2025 en s’appuyant sur des données de ventes réelles compilées à l’échelle provinciale, issues directement du travail de terrain des courtiers immobiliers.
Ce choix de méthodologie permet de suivre l’évolution d’un segment clé du marché, représentatif de l’expérience vécue par une large proportion d’acheteurs québécois et de mettre en lumière les changements structurels qui affectent l’accès à la propriété.
Des résultats sans équivoque : l’accession à la propriété est en chute libre
Les conclusions de l’étude sont claires : au Québec, le pouvoir d’achat immobilier s’est nettement détérioré au cours des dix dernières années, et ce, dans toutes les régions.
Ce qui, autrefois, représentait une étape accessible dans le parcours résidentiel est désormais hors de portée pour un nombre croissant de ménages, même ceux ayant une situation financière relativement stable. L’accès à la propriété n’est plus un simple défi budgétaire, il reflète un déséquilibre de plus en plus marqué entre trois piliers essentiels : le prix des maisons, la capacité d’épargne des ménages et les conditions d’emprunt offertes par les institutions financières.
Et cette réalité ne concerne plus uniquement les grands centres urbains comme Montréal ou Québec. Le recul de l’accessibilité s’étend désormais à l’ensemble du territoire québécois, y compris dans les régions dites plus abordables, révélant une pression généralisée sur les aspirants propriétaires.
Mise de fonds : un montant de départ de plus en plus difficile à accumuler
Parmi les constats les plus préoccupants de l’étude de l’APCIQ figure l’augmentation marquée de la mise de fonds exigée pour obtenir un prêt hypothécaire. En 2015, un acheteur devait accumuler environ 10 000 $ en moyenne pour l’achat d’une maison. Dix ans plus tard, ce montant atteint près de 25 000 $ à l’échelle provinciale et il dépasse largement ce seuil dans certaines régions.
Cette évolution s’explique essentiellement par la flambée des prix des propriétés. En 2015, moins de 5 % des ventes dépassaient les 500 000 $. En 2025, ce type de propriété représente près de la moitié du marché résidentiel. Résultat : plus le prix d’achat est élevé, plus la mise de fonds minimal exigée augmente.
Pour de nombreux acheteurs, cela se traduit par un réajustement des attentes : changer de région, revoir les critères de recherche ou repousser le projet de plusieurs années. Et c’est justement ce que confirme l’étude : alors qu’il fallait en moyenne 3 ans d’épargne pour réunir la mise de fonds en 2015, il en faut désormais 5, voire 10 ans dans des marchés tendus comme Montréal. Ce décalage crée un frein majeur à l’accès à la propriété, en particulier pour les jeunes adultes et les familles qui entrent pour la première fois sur le marché.
Des paiements hypothécaires de plus en plus lourds à assumer
L’étude de l’APCIQ met aussi en lumière une autre tendance inquiétante : l’explosion des versements hypothécaires mensuels. En une décennie, ces paiements ont doublé, voire triplé, dans plusieurs régions du Québec. Il va sans dire que ce fardeau mensuel pèse lourd sur les finances des ménages, même lorsque le revenu est stable.
En 2015, il était encore possible pour de nombreux ménages de faire l’achat d’une maison avec des versements mensuels jugés raisonnables. En 2025, ce n’est plus le cas. La majorité des acheteurs doivent désormais composer avec des montants nettement plus élevés, même dans les secteurs traditionnellement plus abordables. En moyenne, un acheteur doit désormais prévoir :
- Environ 1 500 $ par mois dans plusieurs régions périphériques ;
- Jusqu’à 3 800 $ par mois sur l’île de Montréal.
L’hypothèque gruge une part croissante du revenu
Autre constat majeur de l’étude : le poids de l’hypothèque dans le budget des ménages a explosé. En 2015, les Québécois consacraient en moyenne 15 % de leur revenu net à leur logement. Dix ans plus tard, cette part a plus que doublé, atteignant 32 % en 2025.
Et derrière cette moyenne provinciale se cachent des écarts régionaux importants :
- Île de Montréal : jusqu’à 48 % du revenu familial est absorbé par l’hypothèque, un seuil critique qui laisse peu de marge de manœuvre.
- Banlieues proches et Estrie : les ménages consacrent plus de 35 % de leurs revenus nets à leurs paiements hypothécaires.
- Régions éloignées (Abitibi-Témiscamingue, Gaspésie ou Côte-Nord) : les ratios restent inférieurs à 20 %, mais la tendance est aussi à la hausse.
Ce déséquilibre s’explique par un ensemble de facteurs : la flambée des prix dans les centres urbains, la rareté des propriétés abordables et la hausse des taux d’intérêt qui a alourdi les mensualités. Résultat : plus on s’approche des grandes villes, plus l’achat d’une maison devient financièrement étouffant, obligeant les acheteurs à faire des choix difficiles pour garder la tête hors de l’eau.
Analyse : un signal d’alarme pour l’avenir du marché québécois
L’étude de l’APCIQ ne se contente pas de dresser le portrait d’un marché immobilier sous pression. Elle lance un véritable signal d’alerte : l’accès à la propriété au Québec est en train de se redéfinir en profondeur. Ce recul ne touche plus uniquement les premiers acheteurs : il remet en cause les fondements mêmes du modèle résidentiel dans une province historiquement attachée à la propriété résidentielle unifamiliale.
Aujourd’hui, les ménages québécois sont confrontés à un triple défi :
- Une mise de fonds qui exige plusieurs années d’épargne, parfois jusqu’à dix ans dans les centres urbains les plus chers ;
- Une offre abordable qui se fait rare, même en dehors des grandes villes ;
- Des paiements hypothécaires qui grugent une part grandissante du revenu, limitant la marge de manœuvre, même pour des foyers financièrement stables.
Mais au-delà des statistiques, c’est un fossé grandissant entre les aspirations et la réalité qui se creuse. Ce qui était autrefois un objectif accessible devient, pour plusieurs, un parcours semé d’embûches et de compromis. Cette fracture s’observe à plusieurs niveaux :
- Financière : le fossé entre les revenus et le prix d’achat d’une propriété atteint un seuil critique. Même les ménages au revenu stable doivent fournir un effort financier disproportionné pour accéder au marché.
- Générationnelle : les jeunes adultes, traditionnellement au cœur de l’achat d’une première habitation, voient leur accès à la propriété reculer. Faute de moyens suffisants, plusieurs repoussent leur projet ou l’abandonnent.
- Territoriale : les régions périphériques, longtemps considérées comme des refuges budgétaires, subissent à leur tour une hausse marquée des prix, réduisant considérablement leur accessibilité.
- Psychologique : un sentiment d’exclusion s’installe peu à peu. L’achat d’une propriété, autrefois perçu comme une progression naturelle, est désormais vécu comme un privilège réservé à une minorité.
Autrement dit, le modèle classique d’accession à la propriété est à la croisée des chemins. Et si rien ne change, le rêve résidentiel québécois risque de s’éloigner durablement pour une partie de la population.
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