Dans une copropriété divise, chaque propriétaire est responsable de l’entretien de sa partie privative, mais il doit également contribuer à la préservation des parties communes de l’immeuble. Pour encadrer cette responsabilité collective et éviter les mauvaises surprises en cas de travaux majeurs, le législateur québécois a instauré l’obligation de constituer un fonds de prévoyance.
Depuis l’entrée en vigueur du Code civil du Québec le 1ᵉʳ janvier 1994, tous les syndicats de copropriété ont ainsi le devoir légal de mettre en place ce fonds. Son objectif : assurer une saine planification financière pour faire face aux réparations majeures, sans avoir à imposer des cotisations exceptionnelles aux copropriétaires.
Malgré cette obligation, plusieurs immeubles québécois ont longtemps sous-financé leur fonds de prévoyance ou mal planifié son utilisation. Les conséquences ? Des bâtiments mal entretenus, des charges imprévues et une pression financière inutile sur les copropriétaires.
Mais concrètement, à quoi sert ce fonds ? Comment est-il calculé ? Quelle est la contribution attendue de chaque propriétaire ? Cet article répondra à ces questions et présentera les règles désormais en vigueur, notamment depuis l’adoption de la Loi 16 et la mise en place d’une étude obligatoire du fonds de prévoyance.
Qu’est-ce que le fonds de prévoyance ? Définition
Le fonds de prévoyance est une réserve financière obligatoire constituée par le syndicat de copropriété afin d’assurer le maintien en bon état de l’immeuble. Ce fonds sert à financer, à court, moyen et long terme, les réparations majeures et le remplacement des parties communes, selon la durée de vie des composantes et les coûts estimés pour leur remise en état.
Ce mécanisme joue un rôle clé dans la pérennité des bâtiments en copropriété divise : il permet au syndicat de réaliser les travaux nécessaires sans devoir recourir à des cotisations extraordinaires. En d’autres termes, le fonds agit comme un filet de sécurité pour l’ensemble de la collectivité.
Pour les copropriétaires, un fonds bien alimenté offre plusieurs avantages :
- Il réduit le risque de charges imprévues et souvent importantes ;
- Il permet de planifier les dépenses à long terme, en répartissant les contributions sous forme de paiements mensuels réguliers ;
- Il assure une gestion plus stable et prévisible du budget de la copropriété.

Fonds d’administration, de prévoyance et d’autoassurance : quelle est la différence ?
En copropriété, il existe plusieurs fonds auxquels les copropriétaires doivent contribuer, chacun ayant une fonction bien précise. Il est essentiel de bien les distinguer pour comprendre comment sont réparties les charges et à quoi servent les sommes perçues.
- Le fonds d’administration est destiné à couvrir les frais d’exploitation de la copropriété. Il sert notamment à financer l’entretien régulier de l’immeuble, les tâches de gestion administrative, les contrats de service ainsi que les primes d’assurance. Ce fonds assure le fonctionnement quotidien et la gestion continue de l’immeuble.
- Le fonds de prévoyance, quant à lui, est réservé au financement des réparations majeures et du remplacement des parties communes, en fonction d’une planification à moyen et long terme. Il permet au syndicat de disposer des ressources nécessaires pour maintenir l’immeuble en bon état sans imposer de cotisations extraordinaires imprévues.
- Le fonds d’autoassurance a pour principal objectif de couvrir le paiement des franchises d’assurance en cas de sinistre. Il peut également être utilisé pour d’autres débours liés à des dommages lorsque le syndicat détient un intérêt assurable. Ce fonds joue donc un rôle de protection financière en cas d’événements imprévus.
À quoi sert le fonds de prévoyance ?
Le fonds de prévoyance est réservé au financement des travaux majeurs nécessaires au maintien et à la préservation de l’immeuble, à court, moyen ou long terme. Il s’applique uniquement aux parties communes de la copropriété et vise les réparations majeures ou le remplacement d’éléments essentiels du bâtiment.
Il ne doit pas être confondu avec un budget de rénovation générale : seuls les travaux importants, coûteux et incontournables peuvent être financés à même ce fonds. Pour bien l’utiliser, le conseil d’administration doit donc distinguer clairement deux éléments :
- Ce qui constitue une partie commune ;
- Ce qui est considéré comme une réparation majeure.
Qu’est-ce qu’une partie commune dans une copropriété indivise ?
Pour déterminer les parties visées par le fonds de prévoyance, il faut consulter deux documents fondamentaux :
- La déclaration de copropriété qui définit légalement les parties communes ;
- Le plan cadastral qui précise les limites de chaque lot.
Ces références permettent de clarifier ce qui est à la charge collective, notamment les structures, les systèmes techniques et les espaces partagés. Une identification floue ou incomplète peut engendrer des malentendus ou des différends lors de décisions importantes. Il est donc crucial de définir les parties communes de façon claire, précise et cohérente.

Qu’est-ce qu’une réparation majeure ?
Selon l’article 1152 du Code civil du Québec, une réparation majeure vise une partie importante du bâtiment et entraîne une dépense exceptionnelle. Dans une copropriété, cela inclut généralement :
- Les poutres et les murs porteurs ;
- Le toit ;
- L’enveloppe du bâtiment (murs extérieurs, fenêtres communes, etc.) ;
- Les systèmes collectifs de chauffage, d’électricité ou de plomberie ;
- Toute autre composante structurale ou technique essentielle.
Seuls les travaux essentiels, liés au maintien de l’état initial des parties communes, sont admissibles. Cela inclut également certains honoraires professionnels nécessaires à la planification ou à la supervision de ces travaux, comme ceux d’un ingénieur ou d’un architecte.
Quand et comment ne peut-on pas faire l’utilisation de fonds de prévoyance ?
Le fonds de prévoyance ne peut servir qu’aux réparations majeures ou au remplacement des parties communes. Il ne doit en aucun cas être utilisé pour :
- Les réparations mineures (remplacer un luminaire ou réparer un interphone défectueux) ;
- Les travaux d’amélioration (l’ajout d’un ascenseur ou l’installation d’un nouveau système de sécurité) ;
- Les frais d’entretien courant et de gestion administrative (tonte du gazon ou frais de secrétariat).
Comment les contributions sont-elles calculées et gérées par le syndicat de copropriété ?
En vertu de l’article 1071 du Code civil du Québec, le fonds de prévoyance doit être établi en fonction du coût estimatif des réparations majeures et du remplacement des parties communes. Il ne s’agit pas d’un montant fixe, mais d’un calcul basé sur l’état réel de l’immeuble. Voici comment ça fonctionne :
Évaluation des besoins
Le syndicat doit procéder à une estimation détaillée des coûts associés aux réparations majeures et au remplacement des composantes communes de l’immeuble. Cette analyse permet d’anticiper les interventions à venir et de déterminer le montant qui devra être accumulé progressivement au fil des années afin d’assurer la pérennité du bâtiment et la capacité financière du syndicat à couvrir ces travaux lorsqu’ils surviendront.
Constitution du fonds
Une fois les besoins évalués, le syndicat de copropriété est tenu de réunir les sommes nécessaires auprès des copropriétaires, généralement sous forme de contributions mensuelles. Il s’agit d’une obligation légale à laquelle le syndicat ne peut se soustraire. Les sommes versées appartiennent collectivement au syndicat et ne sont pas remboursables si un copropriétaire vend sa fraction.

Dépôt et liquidité
Les montants recueillis doivent être déposés dans un établissement financier autorisé. Quelle que soit la stratégie de placement retenue, une partie du montant total du fonds doit rester disponible à court terme, soit dans un délai maximal de 30 jours, afin de faire face rapidement à des interventions urgentes.
Cotisation spéciale en cas d’insuffisance
Si le fonds accumulé s’avère insuffisant pour couvrir des travaux majeurs, le conseil d’administration peut proposer une cotisation extraordinaire. Toutefois, une telle décision doit être soumise à la consultation de l’assemblée des copropriétaires avant d’être mise en œuvre.
Quel montant un copropriétaire doit-il prévoir pour le fonds de prévoyance en plus des frais de condo ?
La contribution de chaque copropriétaire au fonds de prévoyance est déterminée en fonction de la valeur relative de sa fraction, comme c’est le cas pour les autres charges communes. Ce montant est généralement intégré aux versements mensuels exigés par le syndicat, en même temps que les frais de condo.
Le Code civil du Québec exige que le montant total versé au fonds de prévoyance représente au minimum 5 % des contributions aux charges communes. Il s’agit d’un plancher légal, et non d’une recommandation. Toutefois, dans la pratique, ce pourcentage est souvent insuffisant pour répondre aux besoins réels d’entretien à long terme. C’est pourquoi il est essentiel de fixer les contributions à partir d’une évaluation objective des besoins, notamment grâce à l’étude du fonds de prévoyance.
L’étude du fonds de prévoyance pour les copropriétés (loi 16)
Comment mentionné, le seuil minimal de 5 % des charges communes, bien qu’imposé par la loi, s’est souvent révélé insuffisant pour répondre aux besoins financiers réels des copropriétés. Pour remédier à cette lacune, le gouvernement du Québec a adopté, en 2019, le projet de loi 16, qui renforce l’encadrement de la gestion des fonds de prévoyance.
Depuis l’entrée en vigueur du règlement d’application, le 14 août 2025, chaque syndicat de copropriété est tenu d’obtenir une étude du fonds de prévoyance conforme aux nouvelles normes réglementaires. Les copropriétés existantes disposent d’un délai allant généralement jusqu’en août 2028 pour produire cette première étude.
Une fois la première étude réalisée, elle devra être mise à jour au minimum tous les cinq ans. Cette mise à jour permet d’ajuster les contributions exigées auprès des copropriétaires en fonction de plusieurs facteurs : l’état actuel de l’immeuble, les travaux à prévoir, l’évolution des coûts et les sommes déjà disponibles dans le fonds de prévoyance.
Comment se déroule l’étude de fonds de prévoyance ?
L’étude du fonds de prévoyance comprend deux volets : un volet physique, qui permet d’évaluer l’état général du bâtiment et la durée de vie résiduelle de ses composantes, et un volet financier, qui sert à estimer les coûts des travaux à venir et à planifier les contributions nécessaires. Elle se déroule généralement en plusieurs étapes :
- Inspection visuelle des composantes majeures : un professionnel qualifié examine les principales composantes de l’immeuble pour en évaluer l’état, repérer les signes de dégradation et estimer leur durée de vie restante.
- Planification et priorisation des travaux : en fonction des constats, un plan de gestion est établi pour déterminer quels travaux devront être réalisés dans les prochaines années, à quel moment et selon quel ordre de priorité.
- Évaluation des coûts : les travaux identifiés sont chiffrés selon leur nature, leur complexité et les coûts de remplacement ou de réparation estimés pour chaque élément visé.
- Analyse de scénarios de financement : différentes projections financières sont élaborées afin de proposer des stratégies de contribution réalistes, en tenant compte des sommes déjà accumulées et de la capacité financière des copropriétaires.
En plus de contribuer à la bonne gestion du bâtiment, cette étude représente un outil indispensable dès la mise en place d’une copropriété. Elle permet d’instaurer un plan de financement clair et structuré dès le départ, en tenant compte des besoins à court, moyen et long terme.

Qui peut réaliser l’étude du fonds de prévoyance ?
Pour garantir l’objectivité et la rigueur de l’analyse, l’étude du fonds de prévoyance doit être confiée à un professionnel indépendant, sans lien d’intérêt avec le syndicat de copropriété. Cette exigence vise à assurer l’impartialité de l’évaluation et la fiabilité des recommandations formulées. Le règlement d’application de la Loi 16 précise que l’étude peut être réalisée par l’un des professionnels suivants, à condition qu’il possède les compétences requises :
- Un ingénieur ;
- Un architecte ;
- Un technologue professionnel ;
- Un évaluateur agréé ;
- Un comptable professionnel agréé (CPA), sous réserve qu’il respecte les conditions prévues au règlement.
Prix : combien coûte une étude de fonds de prévoyance ?
Le coût d’une étude de fonds de prévoyance peut varier considérablement en fonction de plusieurs facteurs, notamment la taille de l’immeuble, la complexité des composantes à analyser, le nombre d’unités, ainsi que le professionnel mandaté pour réaliser l’étude.
Pour une copropriété de taille modeste, le prix se situe généralement entre 2 000 $ et 5 000 $. Dans les immeubles de plus grande envergure, ou qui ont des installations techniques plus complexes, les coûts peuvent facilement dépasser les 10 000 $. Il est donc recommandé d’obtenir plusieurs soumissions auprès de professionnels qualifiés afin de comparer les offres et de bien comprendre les services inclus.
Le carnet d’entretien : un outil essentiel pour l’étude du fonds de prévoyance
Depuis l’entrée en vigueur du règlement d’application de la Loi 16, le carnet d’entretien est devenu un document obligatoire pour toute copropriété. Il constitue le registre officiel de l’historique de l’immeuble retraçant son évolution, ses interventions techniques et ses besoins d’entretien à venir. On le considère souvent comme le curriculum vitae de la copropriété.
Ce document joue un rôle central dans la gestion de l’immeuble. Il permet au conseil d’administration d’avoir une vision claire de l’état du bâtiment et constitue une source d’information précieuse pour les professionnels chargés de réaliser l’étude du fonds de prévoyance. Il est aussi un outil de transparence à l’intention des acheteurs potentiels, qui peuvent s’y référer pour évaluer la qualité de l’entretien effectué.
Le carnet d’entretien doit contenir, entre autres :
- Les renseignements généraux sur l’immeuble, comme sa localisation, son année de construction et la date de réception des parties communes ;
- Un inventaire détaillé des matériaux, équipements et composantes des parties communes, avec leurs caractéristiques techniques principales ;
- Les dates d’installation connues, les recommandations d’entretien, ainsi que la fréquence des interventions prévues ;
- La liste des travaux d’entretien, de réparation ou de rénovation réalisés, accompagnée des dates d’exécution et du nom des entreprises intervenantes ;
- Les documents techniques pertinents : plans, devis, rapports d’inspection, garanties et études effectuées ;
- Les contrats de service actifs et les manuels d’entretien des systèmes mécaniques et équipements communs ;
- Une planification d’entretien à long terme, incluant la stratégie retenue pour les années à venir.
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