Après avoir été maintes fois critiquée pour sa loi 31, la ministre de responsable de l’Habitation, France-Élaine Duranceau, a déposé dans les derniers jours un second projet de loi. Celui-ci vise à mieux protéger les ainés à faibles revenus et imposer un moratoire de 3 ans sur les évictions.
Voici tout ce que vous devez connaitre sur le sujet.
Qu’est-ce que le projet de loi 65?
Le mercredi 22 mai, Mme Duranceau a déposé son projet de loi 65, qui vise à aider les locataires québécois à « passer à travers la crise du logement d’une manière plus humaine ». Cette décision serait motivée par le fait que son projet de loi précédent n’apportait pas « d’effets immédiats » sur les locataires.
Intitulé « Loi limitant le droit d’éviction des locateurs et renforçant la protection des locataires ainés », le projet de loi 65 comporte deux volets :
- Limiter le droit d’éviction des locateurs ;
- Renforcer la protection des locataires ainés.
Limitation du droit d’éviction
Il sera dorénavant beaucoup plus complexe pour les propriétaires d’évincer un locataire, et ce, jusqu’à ce que la situation actuelle s’apaise.
Le projet de loi 65 impose en effet un moratoire sur les évictions pour une période de 3 ans ou tant que la Société canadienne d’hypothèques et de logement (SCHL) affichera un taux d’inoccupation sous les 3 % pour l’ensemble de la province du Québec.
Sur ce point, il faut savoir que le taux actuel d’inoccupation est encore loin du taux cible : il se situait l’année dernière à 1,3 %. Le seuil des 3 % n’a d’ailleurs pas été dépassé depuis 2017, ce qui montre bien l’ampleur du défi qui attend le marché locatif au cours des prochaines années.
Le projet de loi interdit au locateur d’un logement d’évincer un locataire pour des raisons de :
- Subdivision du logement ;
- Agrandissement substantiel ;
- Changement d’affectation.
Il sera tout de même possible pour un propriétaire de reprendre le logement d’un locataire pour y installer un membre de sa famille.
Entrée en vigueur de cette disposition
Le moratoire entrera en vigueur dès la sanction du projet de loi. Le gouvernement Legault souhaite d’ailleurs faire adopter le texte législatif le plus rapidement possible, idéalement avant la fin de la session parlementaire, prévue le 7 juin.
Il faut toutefois savoir que les avis de reprise ou d’éviction envoyés par les locateurs avant le dépôt du projet de loi ne seront pas couverts par l’interdiction. Les impacts seront donc limités pour la période du 1er juillet de cette année.
Pour ce qui est des processus d’éviction entrepris après le dépôt du projet de loi, c’est-à-dire après le 22 mai dernier, ceux-ci sont visés par le moratoire sauf si :
- Un locataire accepte de quitter de lui-même le logement ;
- Le locateur entreprend des recours devant le Tribunal administratif du logement.
Le gouvernement du Québec se réserve également le droit de soustraire certaines parties du territoire à l’application de cette loi, par exemple si une région atteint le taux d’inoccupation souhaité de 3 %.
Protection des locataires ainés
Le projet de loi 65 vise également à mieux protéger les ainés des évictions. Il répond ainsi aux demandes répétées de Québec solidaire d’élargir la « loi Françoise David », en partie du moins.
La « loi Françoise David » précise qu’un ainé de plus de 70 ans, qui habite son logement depuis plus de 10 ans et dont le revenu est faible, ne peut pas être évincé. Avec son projet de loi, la ministre Duranceau abaisse l’âge admissible à cette protection à 65 ans, comme le réclamait Québec solidaire.
La méthode de calcul du revenu donnant droit à cette protection sera également révisée pour permettre à davantage d’ainés d’y avoir accès. Le revenu maximal sera haussé à 125 % du revenu d’admissibilité pour un accès au logement à loyer modique.
La période d’habitation du logement demeure toutefois la même, c’est-à-dire que les ainés doivent y résider depuis au moins 10 ans.
Quels seront les impacts de ce projet de loi?
La ministre de l’Habitation estime que les mesures incluses au projet de loi permettront de protéger 24 000 ménages supplémentaires.
Toutefois, malgré ses bonnes volontés, le moratoire demeure une solution temporaire à la crise locative. Son impact est limité, puisqu’il ne règle pas une fois pour tous les problèmes de rénovictions et ne s’attaque pas non plus à d’autres enjeux importants, tels que l’augmentation de l’offre de logement et le manque d’abordabilité.
L’intention demeure louable. Elle a d’ailleurs été saluée par de nombreux intervenants du secteur. Mais certains ont soulevé une inquiétude pour les propriétaires d’immeubles à revenus.
Cela ternira-t-il l’intérêt pour l’investissement immobilier?
En entrevue à LCN après l’annonce du projet de loi, Éric Sansoucy, président du CA de la Corporation des propriétaires immobiliers du Québec (CORPIQ) souligne qu’il est déjà difficile, pour un propriétaire, de rénover, de construire et d’ajouter des unités, notamment à cause des coûts. Avec les restrictions qui s’ajoutent, cela pourrait paraitre encore moins intéressant.
Selon M. Sansoucy, « un juste équilibre doit être trouvé entre les augmentations abusives et la juste augmentation » pour éviter que les propriétaires se retrouvent face à un mur insurmontable.
L’Association des Propriétaires du Québec (APQ) considère quant à elle que le gouvernement se trompe avec ce projet de loi et que les propriétaires ne devraient pas être les seuls ciblés par de telles mesures.
Sur les ondes du 98.5 mercredi, Sébastien Parent-Durand, directeur général de l’Alliance des corporations d’habitations abordables du territoire (ACHAT) du Québec, s’est pour sa part montré partagé. Bien que la décision mérite d’être saluée en raison de l’exposition de cas d’évictions forcées, il ne s’agit pas, à son avis, d’une solution « structurante ou durable ».
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