Peu connue du grand public et rarement utilisée, l’emphytéose est une notion juridique particulière qui touche certains immeubles au Québec. On parle aussi de bail emphytéotique, une forme de contrat aux effets bien distincts d’un bail locatif traditionnel.
Mais en quoi consiste exactement l’emphytéose ? Quelles sont les règles qui l’encadrent et les obligations qu’elle implique pour les parties concernées ? Voici tout ce qu’il faut savoir sur ce droit méconnu, mais encore présent dans certaines situations immobilières.
Qu’est-ce qu’une emphytéose ? Définition
L’emphytéose est un droit réel immobilier prévu au Code civil du Québec, au même titre que l’usage, l’usufruit et la servitude. Il s’agit d’une forme particulière de démembrement du droit de propriété, qui permet à une personne, appelée emphytéote, d’exercer, pour une période déterminée, la quasi-totalité des droits qu’un propriétaire pourrait avoir sur un immeuble sans en détenir le titre de propriété.
Plus concrètement, l’emphytéose donne à l’emphytéote la possibilité d’utiliser pleinement un immeuble appartenant à un autre, que ce soit un terrain ou un bâtiment, à condition de le valoriser durablement au moyen de constructions, d’améliorations ou d’aménagements. Ce droit peut être établi par contrat ou par testament et il est limité dans le temps.
Pendant toute la durée de l’emphytéose, l’emphytéote peut tirer profit de l’immeuble comme s’il en était le véritable propriétaire, tant qu’il respecte les conditions fixées à l’acte constitutif. Toutefois, il ne peut ni nuire à l’intégrité du bien ni en diminuer la valeur d’une façon importante. À l’échéance du terme, le propriétaire initial récupère l’immeuble, ainsi que toutes les améliorations qui y ont été apportées, conformément au principe du droit d’accession.
Pour qu’un droit emphytéotique soit valide, quatre conditions doivent obligatoirement être réunies :
- L’emphytéose doit porter sur un immeuble (et non un bien meuble) ;
- L’emphytéote doit bénéficier de tous les attributs du droit de propriété, sous réserve des restrictions prévues au contrat ;
- L’emphytéote doit être tenu d’effectuer des travaux ou aménagements durables qui augmentent la valeur du bien ;
- La durée du droit doit être au minimum 10 ans et au maximum 100 ans.
Ce régime juridique, bien qu’exceptionnel, peut s’avérer avantageux dans certains contextes, notamment pour les projets de développement à long terme ou les ententes entre municipalités et promoteurs. Apprenons-en davantage.

Quelle est la différence entre emphytéose, usufruit, usage et servitude au Québec ?
Ces trois notions sont des droits réels, mais leur portée diffère :
- L’emphytéose confère à son titulaire un usage quasi complet d’un immeuble avec l’obligation de l’améliorer, pour une période de 10 à 100 ans.
- L’usufruit permet de jouir d’un bien appartenant à autrui sans pouvoir le modifier durablement, souvent pour la vie du bénéficiaire.
- L’usage est un droit d’utiliser un bien appartenant à autrui uniquement pour combler ses besoins personnels (ou ceux de sa famille), sans pouvoir en tirer de revenus ni l’exploiter à des fins commerciales. Ce droit est temporaire et ne peut pas être cédé ou transmis.
- La servitude, quant à elle, créer un droit limité d’usage (par exemple, un droit de passage) au profit d’un immeuble sur un autre, sans transfert de jouissance complète.
Le bail emphytéotique : des droits biens différents que ceux d’un bail ordinaire
Le bail emphytéotique est un contrat de location à long terme, d’une durée minimale de 10 ans et maximale de 100 ans, qui permet à une personne, l’emphytéote, d’utiliser pleinement un immeuble appartenant à un autre, tout en étant tenu de l’améliorer de manière durable.
Contrairement à un bail locatif traditionnel, qui accorde un simple droit d’usage, le bail emphytéotique confère à l’emphytéote des droits similaires à ceux d’un propriétaire, notamment la possibilité de construire, de rénover et de récolter les revenus de l’immeuble, pour toute la durée du contrat.
Historiquement utilisé à Montréal dans les années 1950 pour limiter la spéculation immobilière, ce type de bail est aujourd’hui encore pertinent dans certains projets commerciaux ou institutionnels. On le retrouve souvent lorsque la municipalité reste propriétaire d’un terrain, mais souhaite permettre à un promoteur immobilier ou à un exploitant de développer un projet immobilier à long terme, sans transférer la propriété du bien.
Quel est l’intérêt du bail emphytéotique pour le propriétaire ?
Le principal intérêt d’un bail emphytéotique pour le propriétaire, c’est qu’il conserve la propriété de son immeuble tout en le confiant à un tiers qui devra l’améliorer à ses frais. Pendant toute la durée du bail, l’emphytéote peut exploiter le terrain ou le bâtiment comme s’il en était propriétaire, mais il est aussi tenu de réaliser des travaux qui augmentent la valeur du bien.
À la fin du contrat, le propriétaire récupère non seulement son immeuble, mais aussi toutes les constructions et améliorations réalisées durant la période. Résultat : sa propriété gagne en valeur, sans qu’il ait eu à gérer le développement ni à assumer les coûts.
Quelles sont les obligations du propriétaire pendant la durée du contrat ?
Selon l’article 1206 du Code civil du Québec, le propriétaire est tenu envers l’emphytéote des mêmes obligations qu’un vendeur lors d’une vente d’immeuble. Cela signifie qu’il doit :
- Délivrer l’immeuble convenu dans le contrat ;
- Garantir son droit de propriété, c’est-à-dire s’assurer qu’aucune tierce partie ne conteste la propriété du bien ;
- Garantir l’immeuble contre les vices cachés, c’est-à-dire contre tout défaut sérieux qui empêcherait l’emphytéote d’en faire un usage normal.
Ainsi, si des vices sont découverts après la signature du bail emphytéotique, l’emphytéote pourrait avoir droit à un recours contre le propriétaire, comme c’est le cas dans une vente immobilière.

Quelles sont les obligations de l’emphytéote envers l’immeuble et le propriétaire ?
L’emphytéote bénéficie de droits étendus sur l’immeuble, comparables à ceux d’un propriétaire. Il peut l’utiliser, le développer, en tirer des revenus et y réaliser des aménagements. Toutefois, ces droits sont encadrés par l’acte constitutif d’emphytéose, qui peut limiter certaines actions afin de protéger la valeur du bien.
L’article 1200 du Code civil du Québec précise d’ailleurs que le propriétaire peut imposer des règles particulières visant à préserver l’état, l’utilité et le rendement de sa propriété. Parmi les obligations essentielles de l’emphytéote, on retrouve :
- Le paiement du montant prévu au contrat ;
- La réalisation, à ses frais, d’un état des lieux de l’immeuble (sauf indication contraire) ;
- La prise en charge des pertes partielles, des réparations majeures, des constructions, des charges foncières et de toutes les dépenses liées à l’entretien et à l’amélioration de l’immeuble, pendant toute la durée de l’emphytéose.
Ce que l’emphytéote peut faire
Il peut utiliser les constructions existantes, apporter des améliorations, récolter les revenus générés, sous-louer le terrain, hypothéquer ses droits ou encore transmettre le bail par héritage. Ces droits lui permettent d’agir presque comme un propriétaire, dans les limites du contrat.
Ce qu’il ne peut pas faire
L’emphytéote ne peut pas diminuer la valeur de la propriété, conclure un second bail emphytéotique sur le même terrain, ni vendre directement ses droits d’emphytéose.
Dans tous les cas, à la fin du bail, il doit restituer l’immeuble au propriétaire, incluant le terrain et toutes les constructions, ouvrages ou plantations réalisés, conformément aux conditions prévues dans l’acte constitutif.
Code civil du Québec : comment mettre fin à un bail emphytéotique ?
Au Québec, un bail emphytéotique ne peut pas être résilié n’importe comment. Le Code civil du Québec prévoit six situations précises dans lesquelles une emphytéose peut prendre fin, que ce soit de façon naturelle ou anticipée :
- L’arrivée du terme prévu dans l’acte constitutif : le bail prend fin automatiquement à la date inscrite au contrat.
- La perte totale ou l’expropriation de l’immeuble : si l’immeuble n’existe plus ou est réquisitionné, le bail prend fin.
- La résiliation du contrat par les parties, selon les modalités légales.
- La réunion des qualités : si une même personne devient à la fois propriétaire et emphytéote, le droit s’éteint.
- Le non-usage pendant 10 ans : si l’emphytéote n’utilise plus l’immeuble pendant une décennie, le droit peut être éteint.
- L’abandon : l’emphytéote peut renoncer à ses droits, mais seulement s’il a rempli toutes ses obligations et libéré l’immeuble de toute charge.
Dans le cas d’un abandon, il est important de noter que l’emphytéose ne peut pas être abandonnée à la légère. L’emphytéote doit d’abord s’assurer d’avoir respecté toutes les conditions du contrat, notamment en matière de travaux, d’entretien et de paiements. L’immeuble doit être remis au propriétaire en bon état et sans dettes rattachées.
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